Le débat national, lancé début 2017 autour de la tarification carbone et clôturé vendredi lors d’un événement de haut-niveau à Bruxelles, a permis de faire émerger un consensus sur la nécessité de mettre en place en Belgique une tarification progressive du carbone, budgétairement neutre et inscrite dans un ensemble plus vaste de mesures de décarbonation. La balle est maintenant dans le camp des responsables politiques du fédéral et des Régions, à moins d’un an des prochaines élections fédérales et régionales.
Actuellement, à peine 37 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont couvertes en Belgique par un prix du carbone, dans le cadre du marché européen (ETS) des quotas d’émissions. Ce marché couvre principalement les émissions issues des entreprises fortement intensives en énergie.
Les 63 % restant, issus principalement du transport et des bâtiments, ne sont pas couverts par un prix explicite sur le carbone. Or, ces secteurs sont fortement émetteurs, ce qui risque d’empêcher la Belgique de remplir ses objectifs (réduction des émissions de GES de 80 à 95 % en 2050 par rapport au niveau de 1990) dans le cadre de l’Accord de Paris puisque les émissions continuent à augmenter dans le transport alors qu’elles stagnent dans le secteur des bâtiments.
Initié par la ministre fédérale de l’Environnement et de l’Energie, Marie Christine Marghem, et piloté par le Service fédéral changements climatiques, le débat national a donné lieu pendant plus d’un an à diverses consultations et ateliers réunissant les parties prenantes (administrations, entreprises, syndicats, ONG, académiques).
Il en ressort que la mise en place d’une tarification du CO2 pour les secteurs du transport et des bâtiments est tout à fait possible à court terme. Le prix de la tonne de CO2 pourrait être fixé à 10 euros en 2020, avant d’être relevé progressivement vers des niveaux de 40, 70 ou 100 euros en 2030.
Une telle hausse entraînerait une augmentation des prix mais celle-ci serait largement contrebalancée par une baisse de la consommation énergétique ce qui, in fine, devrait faire baisser la facture, estime-t-on.
Facture d’énergie plus chère de 127 euros
Dans les bâtiments (31 % des émissions non-ETS), la trajectoire médiane de tarification carbone proposée mènerait à une contribution de 32 euros par ménage en 2020 et de 127 euros en 2030. Cela permettrait toutefois de réduire la consommation énergétique moyenne belge de 10 à 47 % dans ce secteur à l’horizon 2030 et 2050. Un consensus existe sur la nécessité de prendre en compte la précarité énergétique de certains ménages via, par exemple, des chèques énergie.
Le prix de l’essence et du diesel en hausse
Dans le secteur des transports (35 % des émissions non-ETS), la trajectoire médiane de tarification carbone proposée mènerait à une contribution moyenne de 31 euros par ménage en 2020 et de 154 euros en 2030. Mais elle contribuerait à faire baisser la consommation énergétique moyenne des véhicules belges de 22 et 61 % à l’horizon 2030 et 2050. La compétitivité des transporteurs routiers serait prise en compte via certaines mesures complémentaires.
D’ici 230, chaque ménage pourrait donc payer 127 euros + 154 euros par an, en plus.
Pour ce qui concerne les autres secteurs que sont l’agriculture (21 % des émissions non-ETS), de l’industrie (7 %) et des gaz fluorés (4 %), le débat national a également permis d’identifier des pistes d’action pour instaurer un prix du carbone mais celles-ci ne sont pas encore tout à fait mûres et devront être étudiées plus en détail.
Du côté des entreprises, Thomas Leysen (Umicore, KBC, Mediahuis) a estimé vendredi que « le carbon pricing est nécessaire, possible et urgent ». Une telle mesure permettrait de faire changer les comportements des consommateurs et des entreprises et d’entraîner les investissements nécessaires. « En tant que citoyen, entrepreneur et ancien président de la FEB, je vous demande d’agir maintenant et de créer un cadre clair avec vos collègues régionaux. Vous avez un an avant les élections », a-t-il dit à l’adresse de la ministre Marghem.
Cette dernière a salué le processus de consultations mené à bien depuis le lancement du débat national, évoquant « un très beau travail collectif ». La ministre va prochainement mener des consultations avec ses collègues des gouvernements régionaux, avec la volonté d’avancer au cours des prochains mois. « Aujourd’hui, le processus de préparation du Plan national énergie-climat est une opportunité pour mettre en œuvre un prix carbone dans les secteurs non-ETS de manière coordonnée », a-t-elle estimé. Mais les matières en question sont particulièrement complexes, avertit la ministre fédérale, alors que les élections fédérales et régionales de mai 2019 se profilent déjà à l’horizon.
Plusieurs intervenants à l’évènement de clôture vendredi ont regretté « l’absence » des Régions. « On ne pourra pas avancer sans que toutes les parties soient au tour de la table », a estimé le secrétaire général d’Inter-Environnement Wallonie, Christophe Schoune.
Source : sudinfo.be