Depuis vingt ans, des associations invitent les citoyens à récupérer les détritus qui jonchent les sols des villes et les plages de l’Hexagone. L’objectif: quantifier ces rejets pour mieux sensibiliser à ces pollutions. Ce week-end, rebelote à l’occasion du «World Cleanup Day».
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76 801 emballages de snacks et sucreries, 52 456 mégots de cigarettes, 25 768 bouteilles en plastique, 15 599 fragments de polystyrène supérieurs à 2,5 centimètres, 14 545 sacs plastiques, 12 074 morceaux de verre mais aussi 7 264 cotons tiges, 5 751 bâtons de sucettes 4 212 canettes, 3 711 pailles et touillettes, 2 381 contenants médicaux, 1 379 cartouches de chasse, 1 218 briquets, 561 ballons de baudruche ou encore 148 pneus. Voici de manière non exhaustive l’inventaire à la Prévert d’objets jetés ramassés en France en 2017 par des milliers de bénévoles lors d’une centaine d’initiatives océanes de l’ONG Surfrider Foundation Europe.
Cela peut paraître paradoxal mais il s’agit en fait d’une goutte d’eau dans la mer par rapport aux huit millions de tonnes de déchets, pour la très grande majorité en plastique, rejetés dans les océans chaque année dans le monde selon l’ONU. Sans compter les 40 millions de tonnes estimées de déchets électroniques, très difficilement recyclable, dont on peut supposer qu’une partie non négligeable se retrouve dans la nature comme en Asie ou en Afrique. Contre ce fléau écologique, une menace pour la biodiversité marine, il est néanmoins toujours possible d’agir. Et notamment, en sensibilisant à ce type de pollutions, estiment des associations comme Surfrider Foundation Europe, qui invitent depuis une vingtaine d’années les citoyens à ramasser des déchets aux abords des plages, des lacs et des rivières, mais aussi en ville.
Faire état de la pollution
L’objectif de ces collectes nommées «initiatives océanes»? «Mobiliser les citoyens dans un but pédagogique», explique Sofiane Hadine, leur coordinateur, mais surtout «quantifier et qualifier les objets retrouvés dans un but scientifique pour faire état de la pollution, notamment marine, et interpeller les pouvoirs publics». Au total, plus de 11 500 opérations patronnées par la branche européenne de l’ONG ont ainsi vu le jour, de quoi éviter par ailleurs que les macrodéchets «se fragmentent en petits déchets impossibles à récupérer tout en libérant des polluants et des additifs contenus dans les matières plastiques», complète Flore Berlinger, directrice de Zero Waste France.
Ce week-end, à l’occasion du «World Cleanup Day» – une journée mondiale de nettoyage de la planète dans 150 pays –, les Français et Françaises qui le souhaitent sont d’ailleurs de nouveau appelés à monter au créneau. «Chacun à son niveau, que ce soient les citoyens, les assos, les collectivités, les entreprises, les écoles peuvent saisir cette opération pour agir à son échelle», plaide Yaël Derhy, la coordinatrice de cette journée dans l’Hexagone, pour laquelle plus d’un millier de collectes sont annoncées. David contre Goliath? «Ce ne sera jamais suffisant si on continue à jeter comme on le fait aujourd’hui, poursuit la promotrice du «World Cleanup Day». Les industriels doivent mieux produire mais les citoyens ont aussi leur part de responsabilité.»
«Name and shame»
Pour organiser sa propre opération de collecte de déchets, attention cependant à suivre quelques recommandations de bon sens listées dans un kit de Surfrider: en premier lieu, informer – c’est un devoir – la commune ou la collectivité compétente où vous comptez organiser votre nettoyage grâce à un courrier type; puis, faire du bruit pour mobiliser mais aussi auprès des associations et des médias locaux; fournir des sacs plastiques recyclés ou en toile de jute; s’équiper de gants et des chaussures adaptées; et enfin, faire en sorte de trier, compter et faire remonter la quantité de déchets récupérés à une ONG.
Lancé aux Philippines en 2016, le mouvement #Breakfreefromplastic (#Libéronsnousduplastique, en français) par une centaine d’ONG internationales, vous propose cependant d’aller plus loin. L’idée? Du «brand audit» – d’autres y verront du «name and shame» –, soit identifier les grandes marques associées aux déchets plastiques ramassés lors d’une collecte pour mieux pour faire pression sur les multinationales comme Coca-Cola, épinglée cette semaine par l’émission Cash Investigation pour ses ambiguïtés dans la gestion de ses emballages. «Une opération de ramassage, cela peut laisser entendre qu’il suffit de nettoyer pour résoudre le problème des déchets plastiques et que ce n’est qu’une question d’incivilité, conclut Flore Berlinger, de Zero Waste France. C’est pour cela qu’il faut y associer un discours sur la réduction des déchets afin de s’interroger sur les origines de ces pollutions, mais aussi de l’omniprésence du plastique dans nos sociétés.» Et rien ne vaut le terrain pour constater l’étendue des dégâts.
Source : Libération