Pourquoi il est urgent de faire sortir le plastique de votre vie

On le trouve dans l’eau, la terre et même dans l’air. Omniprésent, il pourrait perturber notre système hormonal, altérer la croissance, la fertilité, et le QI. Exposé des griefs.

Pour atteindre la promesse du gouvernement des 100% de plastiques recyclés en 2025, la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Brune Poirson, a annoncé la mise en place à partir de 2019 d’un bonus-malus sur les produits en plastique. En mai dernier, « l’Obs » publiait un grand dossier invitant les citoyens à se « déplastifier ». Nous republions ici un des articles du dossier. 

Le plastique, est-il dangereux pour la santé ? Pour les animaux marins, il est mortel : il suffit de regarder les photos chocs de tortues étranglées, de dauphins étouffés, et d’oiseaux ayant gobé ce matériau non biodégradable. Mais rien de tel chez l’homme. Pas de sacs, de bouchons, ou de filets de pêche dans nos solides estomacs ! Et pourtant… Le plastique s’attaque aussi à nous. Mais cette fois, la menace est invisible, et on en connaît très mal les effets.

Microparticules envahissantes

A l’automne dernier, deux études américaines relayées par Orb Média ont révélé la présence quasi systématique de microparticules de plastique (moins de 5 millimètres) dans l’eau minérale (Evian, Nestlé, San Pellegrino…) et dans celle du robinet. Les sources de contamination sont nombreuses, depuis l’abrasion de nos vêtements synthétiques en machine à laver (polaires, gore-tex…) jusqu’aux poussières de bouchon émises lors du processus d’embouteillage.

Poussières qui flottent aussi en masse… dans l’air, comme l’a observé Johnny Gasperi, chercheur à l’université Paris-Est Créteil (Laboratoire Eau environnement et systèmes urbains) :

« On les retrouve dans les eaux de pluie, dans les lacs alpins, à des tailles toujours plus petites. »

Pas de doute : elles atterrissent aussi dans notre assiette. Et une fois avalées, jusqu’où s’infiltrent-elles ? « Plusieurs études sur les poissons montrent que les microplastiques sont ingérés, mais qu’ils sont ensuite rejetés sans passer dans les chairs », rassure Johnny Gasperi.

Mais dans son labo Evolution, écologie et paléonthologie de l’université de Lille, la chercheuse Virginie Cuvillier obtient des résultats plus inquiétants chez les invertébrés (insectes, crustacés, mollusques) :

« Ces microplastiques obstruent leur système digestif, altèrent leur croissance et traversent les tissus cellulaires. Et comme tout corps étranger dans un organisme, ils provoquent inflammation et affaiblissement du système immunitaire. Ils ne sont donc pas neutres.

On ignore pour l’heure si l’homme s’en sort mieux.

Perturbateurs endocriniens

Autre danger : exposés à la chaleur ou par simple contact, certains plastiques perturbent notre système hormonal, favorisant, quelle que soit la dose, cancers hormonodépendants (tels ceux du sein, de la prostate, des testicules), puberté précoce, baisse de la fertilité masculine, obésité ou encore baisse du QI.

C’est le cas du bisphénol A, interdit dans les biberons et tous les contenants alimentaires depuis 2015. Mais le polycarbonate (marqué du sigle PC accompagné ou non du chiffre 7) reste utilisé et on trouve encore des résidus de polyépoxyde dans des boîtes de conserve.

C’est le cas aussi des phtalates, « plastifiants » ajoutés à presque tous les plastiques pour leur donner souplesse et brillant. Certains sont interdits dans les jouets, mais ils restent omniprésents dans notre vie quotidienne (PVC, vernis à ongles, parfums, ustensiles avec revêtement antiadhésif…). Et dans les jouets provenant de Chine, où l’on observe des taux élevés de phtalates interdits.

« Chez les animaux mâles qui subissent une féminisation des organes génitaux, on parle même de ‘syndrome phtalate’ ! », s’alarme André Cicolella, chercheur et lanceur d’alerte du Réseau Environnement Santé. Les substituts les plus courants ne sont pas plus rassurants, comme l’explique Alain Lenoir, chercheur émérite à l’université de Tours :

« Les phtalates interdits sont remplacés par d’autres pour lesquels aucun risque n’a été démontré pour la santé… Puisqu’on ne peut mener aucune expérience sur l’homme ! Il faudra attendre dix ou quinze ans pour observer d’éventuels effets. »

Gros pollueur

Troisième effet indésirable et invisible : le plastique est un énorme consommateur de pétrole et de gaz naturel, à la fois comme matière première et comme énergie nécessaire à sa fabrication et à son recyclage. La production de plastique pèse pour 3% dans les émissions de CO2 mondiales, « l’équivalent des émissions du trafic aérien sur un an », a calculé Jean-Yves Wilmotte, à la tête de l’entreprise Carbone 4. C’est pas rien !

Précisons que le recyclage fait une nette différence :

« 25 bouteilles de plastique neuf incinérées émettent jusqu’à 6 kilos de CO2, l’équivalent de 30 kilomètres en voiture. Mais si ces bouteilles sont issues de plastique recyclé et sont elles-mêmes recyclées, leur empreinte carbone chute à 235 grammes. »

Le bioplastique en revanche, n’a pas encore fait ses preuves : « Nous manquons d’études indépendantes sur le cycle du bioplastique », observe Jean-Yves Wilmotte. Les résultats diffèrent selon qu’elles proviennent de l’une ou l’autre des filières ! »

Une chose est sûre : issu du blé, du maïs ou de la pomme de terre, il pourrait à terme entrer en concurrence avec la production alimentaire. Conseil de notre expert : « Au lieu de substituer du bioplastique au plastique, recyclons ! »

Source : nouvelobs.com