Sur Twitter, une étudiante en médecine raconte son expérience vécue en 2016. Où l’on comprend que les touchers vaginaux non consentis sont encore d’actualité.
Sur Twitter, elle a « deux, trois trucs à dire ». Etudiante en cinquième année de médecine, Elsa Dechézeaux (c’est un pseudo) veut réagir à une tribune lue sur le site du Monde qu’elle a moyen kiffé.
Un texte écrit par Laurent Vercoustre, un gynécologue obstétricien à la retraite au sujet des maltraitances subies par les patientes (et dont il est beaucoup question ces derniers jours) a agacé la jeune femme.
Le médecin parle à plusieurs reprises d’hystérie. Un propos qui n’est pas du tout sexiste et a, de plus, le mérite d’être bien assumé.
« N’oublions pas non plus que le corps féminin est au cœur du discours hystérique. C’est le corps féminin martyrisé par les techniques médicales que ce discours cherche à exhiber. »
Complot de femmes diablesses
Wokay. Ensuite, on apprend que cette colère des femmes est en réalité… une stratégie.
« Cette hystérie est fondamentalement une stratégie pour piéger la médecine. Elle consiste à lui renvoyer d’une façon théâtrale, son impuissance ou ses excès. »
Que les femmes qui osent se plaindre parce qu’elles ont subi une épisiotomie ou un toucher vaginal sans y consentir arrêtent leur petit jeu. Ah ah ! Vous voilà démasquées diablesses !
Vous complotiez pour « piéger la médecine ».
Au sujet du toucher vaginal forcé, les femmes n’ont pas compris non plus, pense le médecin.
« Le toucher vaginal est devenu en quelques mois une agression sexuelle. Le discours hystérique revendique que le corps de la femme devienne objet de désir en postulant que le médecin qui pratique cet acte est animé par des pulsions sexuelles. »
Bon certes la loi du 4 mars 2002, dite Kouchner dit :
« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
Et par ailleurs l’article 222-23 dit :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »
Un toucher non consenti est un viol
Donc juridiquement un toucher vaginal non consenti c’est un viol. Mais qu’importe ! Parlons plutôt d’hystérie, si vous le voulez bien.
Sur Twitter, Elsa Déchézeaux a donc décidé d’argumenter calmement.
J’ai lu cette tribune d’un gynéco-obst à la retraite et j’ai 2-3 trucs à dire. A threadhttps://t.co/iMta479swP
— Elsa Dechézeaux (@Elsa_Dechezeaux) 31 août 2017
Dans l’argumentaire déroulé, un point se détache. Une expérience vécue par l’étudiante en CHU (centre hospitalier universitaire). En avril 2016, au cours d’une coloscopie (examen du colon sous anesthésie générale), elle s’est vue proposer d’effectuer un toucher vaginal.
… alors qu’elle était endormie. J’ai refusé (et j’ai du m’en expliquer). Avril 2016, grand CHU parisien.
— Elsa Dechézeaux (@Elsa_Dechezeaux) 31 août 2017
Colon => toucher vaginal. Vous vous dites que vous ne voyez pas le rapport. C’est normal. Il n’y en a pas. Rien ne justifie médicalement un toucher vaginal dans le cadre d’une coloscopie. Dans un nouveau thread la jeune femme raconte plus en détail ce qu’il s’est passé.
Thread : comment un jour, un médecin m’a proposé de violer une vieille dame
— Elsa Dechézeaux (@Elsa_Dechezeaux) 1 septembre 2017
Le médecin lui a dit :
« Bon, Elsa, le TR (toucher rectal), tu maîtrises, alors maintenant : TV ! »
Elle a refusé
Il voulait sincèrement l’aider à apprendre. Ce qui en soi est plutôt positif, explique-t-elle au téléphone.
« En tant qu’ étudiant en médecine, on est souvent considéré comme une plante verte pendant un stage. Et du coup, là, ouais j’ai le souvenir d’une matinée enrichissante et bon enfant. Il s’appliquait vraiment à m’apprendre des gestes. »
Elle a refusé.
« Ça l’a bousculé et interloqué. Ce n’est pas habituel que des étudiants refusent de faire des trucs. On est censés vouloir apprendre toujours plus. Avoir une soif de faire toujours plus. Si on refuse un geste, c’est bizarre. »
Il a fallu qu’elle se justifie comme elle le raconte dans son thread.
Elsa Dechézeaux n’est pas opposée à un toucher vaginal sur une patiente endormie mais elle souhaite simplement que la patiente endormie y ait consenti, que cela se justifie et qu’il n y ait pas plusieurs étudiants invités à le faire. Car cela s’est vu dans le passé (dix étudiants qui font un toucher à une patiente endormie).
10/ Pour moi, faire des gestes sur patients endormis c ok si : 1. C’est ds la procédure et utile. 2. Je suis la seule étudiante à le faire.
— Elsa Dechézeaux (@Elsa_Dechezeaux) 1 septembre 2017
Elle est restée incomprise du médecin mais a senti l’approbation silencieuse de l’infirmière.
« Elle a préparé ce qu’il fallait pour lancer la coloscopie et passer à autre chose. »
L’information intéressante de cette anecdote, c’est surtout que les touchers vaginaux non consentis existent encore.
Un frottis sans son accord
Même après la polémique qui avait éclaté en 2015.
Tout est parti d’un homme. Appelons le Arnaud (car il souhaite rester anonyme). Arnaud est pharmacien pour l’industrie pharmaceutique. Il tient aussi le blog « La Coupe d’Hygie ». Au téléphone, il revient sur ce qu’il s’est passé il y a deux ans.
« A cette époque, ma femme était enceinte de notre troisième enfant. Un jour après un rendez-vous de suivi à la maternité, elle est sortie en larmes. Quand je lui ai demandé ce qu’il se passait, elle m’a expliqué qu’on lui avait fait un frottis sans son accord. Nous sommes retournés voir la sage femme et la médecin qui nous ont servi un discours assez froid : « de toute façon il fallait le faire ». »
Le couple, bien informé, rappelle que cet examen est « médicalement non justifié » et que « quand bien même, il le serait. Il ne peut pas se faire sans l’accord de la patiente. » Rien à faire. Ils parlent à un mur.
Traumatisés par l’épisode Arnaud et sa compagne rentrent chez eux.
« On se demande si on est les seuls à avoir vécu ça et on commence à chercher choses sur Internet. Et tout d’un coup, je tombe sur six carnets de stage en urologie ou en gynécologie de cinq facs différentes, des carnets où l’on voit écrit noir sur blanc « TV sous anesthésie » ou « patients endormie ». »
Les documents sont diffusés et la polémique explose. Une pétition est lancée recueillant plus de 7000 signatures.
Chez les médecins et gynécos, c’est un peu la tempête. Et Elsa Dechézeaux explique au téléphone :
« On a eu des débats au moment de la polémique pour savoir à quel moment un toucher était valable. »
Et vu l’ampleur de la polémique qui a secoué la profession personne n’a pu y échapper, conclue-t-elle. Après avoir lu le thread d’Elsa, Arnaud a publié une nouvelle note de blog.
« Touchers vaginaux sans consentement : ça continue ! »
« Libérez les carnets ! »
Et il y raconte qu’il veut lire plus de ces carnets. « Libérez les » dit-il même.
« J’ai demandé aux facultés de me fournir ces documents officiels. Je n’ai fait qu’exercer un de mes droits de citoyen, consacré par le Code des relations entre le public et l’administration.
Aucune fac n’a respecté son obligation de me communiquer ces documents. Encore un droit élémentaire pour lequel on doit se battre. J’ai donc saisi la CADA qui m’a donné raison et a intimé aux facultés l’ordre de m’adresser ces documents.
Or à ce jour, j’ai reçu les carnets d’environ 1 fac sur 3. Deux tiers des facultés ne m’ont toujours rien adressé. Alors quand certains me demandent en privé si ces pratiques continuent, je n’ai malheureusement pas de grandes illusions sur le sujet. »
Tandis qu’au téléphone, il explique avoir été reçu par l’Igas(Inspection générale des affaires sociales), qui avait promis un rapport sur le sujet, mais..
« Pas de nouvelle depuis… »
Les seuls chiffres dont on dispose sont donc ceux d’un rapport de la Conférence des doyens de facultés de médecine et selon lequel 33% de touchers vaginaux, rectaux et autres examens du pelvis ou des «orifices herniaires», sont effectués sans consentement.
Mais ce flou des chiffres n’est pas anodin conclue Arnaud :
« Aucune fac n’a fait d’études sur le sujet. Personne ne veut regarder en face ce problème parce que ce serait avouer qu’il y a des viols à l’hôpital. »
Source : nouvelobs.com