La fédération France nature environnement tire la sonnette d’alarme. Selon elle, les cargos utilisent un fioul lourd qui serait bien plus polluant que celui des véhicules terrestres. Plutôt inquiétant lorsque l’on sait que 400 navires transitent chaque jour à quelques kilomètres de nos côtes.
1 – Un constat alarmant
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le reportage « Cargos, la face cachée du fret », diffusé début février sur France 5, faisait froid dans le dos. Il braquait les projecteurs sur les 60 000 cargos qui sillonnent sans relâche les mers du globe pour transporter nos produits de consommation.
Or, d’après France nature environnement (FNE), ces porte-conteneurs utiliseraient un carburant extrêmement nocif, qui générerait 3 000 à 3 500 ppm de soufre, alors que la norme européenne imposée aux voitures ne doit pas dépasser 15 ppm.
Verdict de la fédération : un seul cargo émettrait autant de soufre que 50 millions de voitures.
2 – Un transport à la fois écolo et dangereux pour la santé
Ces chiffres contrebalancent un fait acquis : le transport maritime est de loin le moins impactant pour la planète. Il utilise moins de 10 grammes de CO2 pour transporter une tonne de marchandise sur un kilomètre (contre 18 g pour le rail, 47 g pour la route et 560 g pour le fret aérien).
Mais ce qui est vrai pour le CO2 l’est moins pour le soufre. Pourquoi ? « Contrairement aux véhicules terrestres, dont le carburant est très réglementé, les cargos utilisent un fioul lourd, un résidu de raffinerie bien moins cher que le diesel », explique Benoît Hartmann, porte-parole de FNE.
Ce carburant émet des particules fines dangereuses pour la santé. « Elles viennent se fixer dans les poumons, ce qui augmente le risque de développer des maladies pulmonaires, cardiaques et des cancers. »
Cette pollution serait responsable de 60 000 décès par an dans le monde.
3 – Une lueur d’espoir
Lot de consolation, les cargos sont de plus en plus performants. Leur consommation diminue, donc la pollution aussi. La technologie s’améliore également.
En 1972, le porte-conteneurs Korrigan, qui transportait 3 000 conteneurs, consommait environ 500 tonnes de carburant par jour.
Aujourd’hui, les navires plus récents, qui transportent six fois plus de marchandise, dévorent entre 150 et 300 tonnes par jour suivant le régime du moteur.
Mais la priorité pour FNE, c’est de faire évoluer la réglementation internationale pour interdire aux armateurs d’utiliser du fioul lourd. « Il suffirait qu’ils payent leur plein un peu plus cher, résume Benoît Hartmann. Et ils en ont les moyens. » D’où le militantisme de la fédération. Le pot de terre contre… le pot d’échappement ?
4 – L’avis d’un spécialiste
« Plus on avance, plus les navires sont respectueux de l’environnement »
Jean-Paul Hellequin préside l’association Morglaz, qui a pour but de « défendre l’environnement maritime ». Cet ancien marin a roulé sa bosse sur les navires de pêche et les remorqueurs. Il connaît donc bien le milieu du transport maritime…
– Pourquoi le combustible utilisé par les cargos est-il si polluant ?
« Parce qu’ils utilisent du fioul lourd, qui est normalement destiné à être brûlé. Les machines des cargos engloutissent tout ce qu’on leur donne à manger. Elles fonctionnent au même mazout que celui que transportait l’Erika (à l’origine de la marée noire en Bretagne en 2000). Il faut pousser les armateurs à utiliser du gasoil comme dans les voitures. Il faut aussi que les ports parlent d’une seule voix en pensant à leur population. »
– Les cargos d’aujourd’hui sont-ils moins polluants que par le passé ?
« Oui, car déjà, ils consomment beaucoup moins qu’avant. Certains armateurs se sont aussi fixé des règles. Ils utilisent des filtres sur leurs cheminées. Ils laissent leurs déchets dans les stations de déballastage dans les ports au lieu de les vider en mer. Les contrôles en mer et les sanctions sont également beaucoup plus sévères. Les armateurs n’ont pas envie de se faire de mauvaise publicité. Plus on avance, plus ils construisent des navires respectueux de l’environnement. Mais il faudrait que l’Union européenne impose des normes plus strictes. »
– Mais le problème persistera avec les navires qui ne sont pas réformés…
« Effectivement, car si certains font des efforts, on estime que sur les 80 000 navires de plus de 120 mètres qui sillonnent les mers, le tiers serait à déconstruire. Ils ont plus de 30 ans et ne respectent pas l’environnement… »
Source : La Voix du Nord