Le cannabis, ou des extraits de cannabis, pourraient soulager les patients dans certaines maladies chroniques. Ces effets restent à prouver, mais de nombreuses études cliniques en cours dans le monde visent à les tester. Elles portent sur son utilisation dans la douleur, la sclérose en plaque, l’épilepsie, les nausées induites par les chimiothérapies dans le cancer, les troubles du sommeil, la cachexie (dénutrition très importante), le glaucome et certains troubles psychiques comme l’anxiété chronique.
La France réfléchit actuellement aux modalités d’une expérimentation nationale de l’utilisation à visée thérapeutique du cannabis, voire de certains cannabinoïdes – les substances extraites du cannabis. Des auditions d’experts cliniciens, patients et autorités sanitaires se sont tenues à ce sujet le 12 avril à l’Assemblée nationale, à l’initiative du député et médecin neurologue Olivier Veran.
Le Comité ethique et cancer, dispositif consultatif collégial qui émet des avis publics, examinera aussi cette question après la saisine récente d’une patiente sur le caractère « inéthique » de l’interdiction du cannabis dans un contexte thérapeutique. En avril, l’agglomération de Guéret dans la Creuse s’est proposée, avec des motivations d’abord économiques, pour tester la culture du cannabis à visée thérapeutique sur son territoire.
Le principe d’une expérimentation nationale fait débat, avec parmi ses contradicteurs les académies de médecine et de pharmacie. Elle pourrait pourtant permettre de mieux accompagner des patients qui utilisent actuellement le cannabis sans contrôle médical, et d’évaluer les bénéfices et les risques de cet usage.
Un médicament autorisé dans la sclérose en plaques
Des médicaments cannabinoïdes sont déjà disponibles en France. Un seul possède une autorisation de mise sur le marché en France. Il s’agit du Sativex, autorisé depuis 2014. Il est composé de delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et de cannabidiol (CBD). Il est indiqué dans les raideurs et contractures musculaires, appelées spasticité, de la sclérose en plaques (SEP), en dernière intention. Néanmoins, ce médicament n’est toujours pas commercialisé en France faute d’accord sur le prix avec le laboratoire pharmaceutique.
D’autres médicaments sont accessibles, mais seulement avec une autorisation temporaire nominative (ATU). Il s’agit d’une procédure permettant de mettre à disposition de certains patients un médicament n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et ne faisant pas l’objet d’un essai clinique dans cette indication. C’est le cas du dronabinol ou THC synthétique (Marinol) pour des patients atteints de douleurs neuropathiques réfractaires aux traitements classiques, et du cannabidiol (CBD) dans les épilepsies réfractaires. Pour ce dernier médicament, une autorisation européenne est en cours d’évaluation.
Enfin, un médicament à base de nabilone, cannabinoïde synthétique indiqué dans les nausées et vomissements induites par la chimiothérapie chez les patients cancéreux adultes, fait l’objet d’une demande récente d’autorisation de mise sur le marché.
Une prescription et une délivrance difficile à encadrer actuellement
Hormis les formes pharmaceutiques autorisées déjà évoquées, en spray ou comprimés, la prescription de cannabis à visée thérapeutique s’avère difficile à encadrer. La manière de le prescrire ne peut être copiée sur le modèle des médicaments classiques. Les indications et les dosages ne sont pas encore assez standardisés. Actuellement en France, la pratique demeure très individualisée. Cela avec des produits dont les caractéristiques physiques, qualitatives varient beaucoup selon l’origine et le mode de consommation. Chaque usager expérimente les effets sur lui même et fixe ainsi sa bonne posologie.
Les médecins sont sollicités par des patients pour rédiger des certificats indiquant l’intérêt possible pour ces derniers de bénéficier d’un usage thérapeutique de cannabis. Le plus souvent, pour prévenir ou répondre à des démêlées judiciaires en lien avec cet usage. Certains, plus rares, prescrivent même du cannabis à des patients qui vont le chercher dans des pays frontaliers.
L’absence de cadre réglementaire, tant juridique que médical, mais aussi de formation et de produits standardisés contrôlés, ne permet pas actuellement aux patients de bénéficier en toute sécurité d’une telle thérapeutique.
Des dérogations au principe d’interdiction du cannabis
Si l’on veut pouvoir expérimenter l’utilisation du cannabis pour soigner (en dehors d’un médicament ayant une AMM), la réglementation devra probablement évoluer. L’utilisation thérapeutique du cannabis, quelle que soit la teneur en THC, sous forme de plante ou de préparation magistrale à base de cannabis ou d’extrait de cannabis, est interdite actuellement en France. Des dérogations à ce principe d’interdiction en France peuvent être octroyées par l’Agence Nationales de Sécurité du Médicament et des produits de santé, uniquement pour utilisation du cannabis à des fins de recherche, de contrôle ou de fabrication de dérivés autorisés. Ce type de dérogation est accordé notamment dans le cadre d’essais cliniques.
Concernant les médicaments, une modification de la réglementation sur le cannabis intervenue en 2013 permet que ceux contenant du cannabis puissent être utilisés, mais uniquement s’ils possèdent une autorisation de mise sur le marché délivrée par la France ou l’Union européenne.
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