Le polémiste est censé se produire deux fois dans l’île. Une partie de la population, et notamment le maire de Porto-Vecchio, espère faire annuler le spectacle.
Dès l’annonce de sa venue en mars, les internautes corses avaient vivement réagi sur les réseaux sociaux. « Pas de ça chez nous ! »; « Chi vergogna (quelle honte) ! »; «Qu’il aille déverser sa haine ailleurs »… Comme dans chaque région, le polémiste Dieudonné rencontre en effet les réticences d’une partie de la population. Mais sur l’île de Beauté, souvent surnommée « île des Justes » pour avoir protégé les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, la venue de l’humoriste controversé provoque un tel débat que des élus se sont récemment emparés du sujet. À l’approche des représentations prévues la semaine prochaine, les appels au boycott se multiplient.
« En vertu des pouvoirs de police qui me sont conférés, j’entends demander l’interdiction de ce spectacle », a annoncé sur Facebook George Mela, le maire (LR) de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud), où le polémiste doit jouer son spectacle « L’émancipation » le 15 juillet, avant de se rendre à Ajaccio le 16. Sa représentation du 17, qui n’a a priori trouvé aucun lieu pour l’accueillir, a d’ores et déjà été annulée.
«Se montrer digne du souvenir»
Et le maire de la célèbre station balnéaire de justifier : « Durant la Seconde Guerre mondiale, la Corse s’est singularisée par sa capacité à protéger les populations juives pourtant persécutées dans l’Europe entière. Ainsi, seule une poignée de ressortissants de cette communauté quitta le sol de notre île pour être déportée dans les camps d’extermination nazis. C’est une page de notre Histoire qui nous fait honneur et qui a valu à la Corse un titre d’île des Justes. Il nous appartient d’en conserver le souvenir et de s’en montrer dignes. » Ainsi, « l’artiste antisémite Dieudonné, condamné à plusieurs reprises pour ses propos allant jusqu’au négationnisme » n’est selon lui pas le bienvenu dans son village. « C’est en effet une source de désordres, génératrice de troubles à l’ordre public en plus d’être une insulte faite à notre Histoire collective et au souvenir de ceux qui sont morts victimes de la haine et de la barbarie », ajoute le maire dans sa publication Facebook.
Un message que l’équipe du polémiste a visiblement accueilli avec ironie puisqu’elle l’a immédiatement partagé sur le compte officiel de Dieudonné, assorti du hashtag (mot-clé) #StopMensonge.
Des « valeurs humanistes fortes sur notre île »
Plusieurs internautes insulaires ont en revanche applaudi l’initiative du maire, à l’instar d’un autre édile d’une ville tout aussi touristique, Bonifacio, à la pointe sud de l’île. Selon Jean-Charles Orsucci (ex-LREM), Georges Mela a « une position claire et logique que je tiens à saluer. Tu as tout mon soutien dans cette initiative », a-t-il tweeté, avant d’invoquer les mêmes raisons que son homologue de Porto-Vecchio : « Il est de notre devoir en tant qu’élus de la Corse d’agir pour la sauvegarde de nos valeurs humanistes qui ont toujours été fortes sur notre île, notamment dans les heures les plus sombres de notre Histoire. »
Venue de Dieudonné en #Corse et réaction du Maire de Porto-Vecchio Georges MELA.
Une position claire et logique que je tiens à saluer.
Il est de notre devoir en tant qu’élus de la Corse d’agir pour la sauvegarde de nos valeurs humanistes…
⤵️https://t.co/Ya41CjtdZ9— Jean-Charles ORSUCCI (@OrsucciJC) 8 juillet 2018
Au delà des élus, les appels au boycott fleurissent sur la Toile. Parfois non sans humour : « On a vraiment du mal à gérer nos déchets, chez nous. Je suis sûr qu’on ne va pas le mettre dans le bon container», commente un certain Balaninu en référence à la crise des déchets qui agite actuellement l’île.
En 2017, le polémiste a été reconnu coupable d’incitation à la haine pour un précédent spectacle et condamné à deux mois de prison ferme par la justice belge pour d’autres propos jugés antisémites. En France, il a également été condamné à 3000 euros d’amende, en 2015, pour injure contre Manuel Valls, qu’il est ensuite venu défier dans son fief de l’Essonne aux dernières législatives.
Source : Le Parisien