Le bureau de la commission des lois, dotée de pouvoirs d’enquête dans ce dossier, a échoué à se mettre d’accord vendredi soir sur un programme d’auditions
Ni accord ni sérénité. Jeudi 19 juillet au soir à l’Assemblée nationale, l’ouverture d’une commission d’enquête après les révélations du Monde sur l’affaire Benalla avait été approuvée par tous. Les premiers pas de cette commission ont pourtant viré au fiasco. A 20 heures, vendredi soir, le bureau de la commission des lois se réunissait pour définir les modalités des futurs travaux. Un peu plus d’une heure plus tard, ses membres se quittaient sans le moindre accord. La présidente (La République en marche, LRM) de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, avait promis qu’elle veillerait au « consensus » dans le déroulement des travaux. Vendredi soir, celui-ci semblait impossible.
Deux points d’achoppement sont apparus. D’une part, le calendrier. La droite souhaitait que le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, soit auditionné dès samedi matin. Les députés LRM préféraient la date de lundi. Mais le principal point de crispation a résidé dans la publicité des auditions à venir.
Pour Guillaume Larrivé, député Les Républicains (LR) et corapporteur de la mission d’information, il n’était pas question que celles-ci aient lieu à huis clos, sauf demande particulière de la personne auditionnée. « Ces auditions doivent avoir un caractère public », a défendu le député de l’Yonne plus tard dans l’Hémicycle, évoquant « une exigence démocratique et de transparence ». Les députés de la majorité défendaient, eux, le huis clos général, sauf pour l’audition du ministre de l’intérieur. La confidentialité permettant, arguent-ils, de s’assurer de la qualité des réponses des auditionnés.
« Vous avez envie de bloquer, assumez-le »
Les discussions ont tourné court après que des élus de la majorité ont découvert que le contenu de leurs échanges venait de fuiter, diffusés sur Twitter par un journaliste de La Chaîne parlementaire. « La confidentialité de nos échanges n’a pas été respectée », s’est indignée Mme Braun-Pivet, la majorité accusant en creux l’opposition d’être à l’origine de la fuite.
Une nouvelle réunion devait se tenir samedi à 9 h 30 pour achever de fixer le calendrier des auditions, mais l’ambiance est restée considérablement tendue vendredi soir. Le socialiste David Habib a accusé la majorité « de se raidir à l’idée d’auditionner des personnalités proches du président de la République ». « La majorité crée les conditions pour faire avorter [la commission d’enquête] ! », accusait pour sa part le communiste Stéphane Peu. « Vous avez envie de bloquer, assumez-le », leur a rétorqué Marc Fesneau, président du groupe MoDem.
Gilles Le Gendre, porte-parole des députés LREM, s’est demandé samedi sur France Inter si les « oppositions veulent bloquer ou non les institutions ». L’élu de Paris a dénoncé une « tentative de nos oppostions depuis quarante-huit heures d’instrumentaliser cette affaire ». Et il affirme que « rien ne sera étouffé dans cette affaire ».
Au Sénat, où une commission d’enquête va également être mise sur pied, les choses ont été plus fluides, vendredi. Philippe Bas (LR), qui préside la commission des lois au Palais du Luxembourg, a annoncé que Gérard Collomb y sera auditionné mardi à 17 h 45. Quand les députés ont indiqué qu’ils travailleraient dans un délai d’un mois, les sénateurs s’en donnent, eux, six.
Ils entendront à partir de mardi après-midi « le préfet de police de Paris, le directeur général de la police nationale, le chef du service de la protection, les représentants des organisations professionnelles de policiers, le Défenseur des droits et toute personne susceptible d’apporter des informations utiles », avait détaillé la commission des lois dans un communiqué. Le tout étant prévu à huis clos, condition posée par la droite sénatoriale que leurs collègues du même parti rejettent pour leur part à l’Assemblée.
Source : Le Monde