L’UFC-Que Choisir incrimine des « décennies d’agriculture productiviste » et « l’inaction des pouvoirs publics « .
Pour l’UFC-Que Choisir, le bilan est « catastrophique « . L’eau des rivières et des nappes phréatiques françaises est dans un « état calamiteux » en raison de « décennies d’agriculture productiviste sur la ressource aquatique » et de « l’inaction des pouvoirs publics « , affirme l’association ce mardi sur son site.
A l’occasion des Etats Généraux de l’Alimentation consacrés notamment à la transition écologique de l’agriculture, l’UFC invite les consommateurs à signer une pétition afin d’enclencher une « réforme urgente » de la politique de l’eau en France.
« Le constat est assez effarant : une ressource qui continue à se dégrader comme si nous subissions une fatalité », a déploré le président de l’UFC-Que Choisir, Alain Bazot, au cours d’une conférence de presse. « On a un système à bout de souffle, une gestion aberrante de la ressource », a-t-il accusé, réclamant « une rénovation en profondeur de la gouvernance dans les agences de l’eau « , chargées de gérer la ressource.
43 % des nappes contaminées au nitrate
Les pesticides sont désormais massivement présents et dépassent la norme définie pour l’eau potable, dans les cours d’eau de la moitié du territoire français et dans le tiers des nappes phréatiques, selon l’UFC-Que Choisir. S’agissant des nitrates, « les contaminations ont progressé « , et 43 % des nappes « dépassent la valeur guide européenne ».
L’association impute ces « désastres environnementaux » à l’agriculture intensive qui, dénonce-t-elle, « est loin d’avoir corrigé ses pratiques » puisque « les quantités d’engrais utilisées n’ont pas baissé en vingt ans » et que « l’utilisation des pesticides a même augmenté de 18 % en 5 ans « .
Les consommateurs, premiers concernés par cette pollution, sont aussi ceux qui en paient la facture, regrette l’association. Ils « payent 88 % de la redevance ‘pollutions’ et 70 % de la redevance’prélèvement’, soit 1,9 milliard d’euros par an « , précise-t-elle.
L’agriculture, « pourtant responsable à elle seule de 70 % des pollutions en pesticides, de 75 % des pollutions en nitrates et de la moitié des consommations nettes en eau » ne paie que « 7 % de la redevance ‘pollutions’ et 4 % de la redevance’prélèvement’, en violation flagrante du principe’préleveur-pollueur-payeur' », pointe l’UFC.
Pas de mesures à la source
Dans « 60 % à 80 % des cas « , ce sont des mesures « palliatives » qui sont mises en place, comme la dépollution de l’eau, au lieu de mesures s’attaquant à la source de ces pollutions. La raison selon l’association : les débats dans les régions sont dictés « par les intérêts agricoles « .
Dans son projet de loi de finances 2018, le gouvernement s’apprête, de plus, à ponctionner 300 millions d’euros du budget des six agences de l’eau - soit 15 % de leur budget - pour financer d’autres dossiers que celui de l’eau.
La FNSEA dénonce un rapport « caricatural «
La FNSEA, principal syndicat agricole, a dénoncé un rapport « caricatural » et « à charge », manipulant les chiffres, « quitte à dire des contre-vérités « .
Selon des données du ministère de l’Environnement de 2016, « il y a une baisse de 10 % des pesticides dans les cours d’eau entre 2008 et 2013 « , a déclaré Eric Thirouin, secrétaire général adjoint de la FNSEA et président de sa commission environnement. De même, « il y a une baisse de 14 % des teneurs en nitrates entre 2006 et 2014 dans les cours d’eau « , a-t-il ajouté.
Quels sont les chiffres du gouvernement ?
Le dernier rapport sur l’état des eaux communiqué par le ministère de l’Environnement date de 2013. Les chiffres gouvernementaux sont-ils comparables à ceux de l’UFC ?
Concernant les eaux de surface, on peut y lire que près de la moitié de ces masses d’eau (48,2 %) est en bon état chimique, ce qui représente une petite amélioration en trois ans (43,2 % en 2010). L’état chimique de l’eau est évalué en fonction de la concentration des substances surveillées (métaux, pesticides, HAP, PCB, etc.).
Bémol cependant, le pourcentage d’eau dont l’état chimique est « indéterminé » est important (35,9 %). Le rapport justifie cette zone grise par la difficulté de détecter les micropolluants. Les experts, n’ayant le choix qu’entre les catégories « bon » ou « bon état non atteint », préfèrent en cas de doute sélectionner cet état « indéterminé « .
67 % des nappes en bon état
On constate une petite amélioration également du côté des eaux souterraines : 58,9 % de ces eaux étaient en bon état chimique en 2010, contre 67 % en 2013. Dans la grande majorité des cas (89,3 %), l’état de ces nappes phréatiques, qu’il soit bon ou mauvais, est resté le même durant cette période.
Lorsqu’elles sont en mauvais état, les familles de polluants le plus souvent responsables de leur déclassement en 2013 sont les nitrates et les pesticides.
Les grands massifs montagneux (Alpes, Pyrénées et Massif Central) sont les seuls à être relativement épargnés par la contamination de leurs nappes phréatiques. Toutefois, note le rapport, les nappes sont généralement de grande taille et il suffit d’un seul secteur dégradé pour classer toute la masse d’eau en « mauvais état ».
Les cosmétiques, l’autre principal polluant
L’UFC-Que Choisir alerte principalement sur la pollution aux pesticides et aux nitrates dans les ressources en eau. Mais d’après un autre rapport du gouvernement consacré à ce sujet, ce ne sont pas les polluants les plus fréquemment retrouvés.
Dans les cours d’eau, ce sont en fait tous les résidus de nos cosmétiques et produits de soins corporels contenant des parabènes que l’on retrouve le plus, suivis des plastifiants (phtalates issus des parfums, déodorants, ou laques pour cheveux, et bisphénol A) et des composés tensioactifs (présents dans les shampoings).
Les eaux souterraines sont surtout contaminées par les médicaments (l’acide acétylsalicylique, par exemple, plus connu sous le nom d’aspirine), des composés d’usage industriel, des pesticides ou encore de la caféine.
Le rapport du ministère souligne néanmoins qu’il faut porter une attention particulière à certains pesticides comme l’imdaclopride (un néonicotinoïde, la famille d’insecticides la plus répandue au monde), le terbutryne (utilisé pour traiter les cultures de blé ou de maïs) et le triclosan (antibactérien présent dans de nombreux produits du quotidien). Ceux-ci sont « significativement présents dans les eaux souterraines », ces nappes qui restent le plus gros réservoir d’eau potable en France.
Source : lesechos.fr