Les carnets noirs de l’évasion fiscale 12/34. Cinq années d’enquête ont été nécessaires pour reconstituer les montages offshore qui ont permis au maire de Levallois-Perret et à son épouse de cacher leur pactole, aux origines douteuses, à l’administration fiscale.
Beaucoup ont ironisé sur la filouterie et les excès du maire « Les Républicains » (LR) de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Patrick Balkany, et de son épouse, Isabelle, impliqués dans d’innombrables affaires judiciaires et mis en examen à de nombreuses reprises. Le couple semblait même en jouer, ces dernières années, en s’affichant, cigare aux lèvres, dans les salons VIP et dans les magazines people, tantôt présentés comme des personnages hauts en couleur dignes des Tontons flingueurs, des Thénardier modernes ou des voleurs du théâtre de Guignol. Cette farce, fort heureusement, va bientôt prendre fin. Les époux Balkany ont été renvoyés le 6 juillet devant le tribunal correctionnel et devront alors s’expliquer, outre des faits de corruption, de la façon dont ils ont caché au fisc, depuis plusieurs dizaines d’années, une fortune de 13 millions d’euros.
Patrick et Isabelle Balkany ont dissimulé à l’administration fiscale « des revenus occultes et un patrimoine tout aussi occulte en ayant recours à des prête-noms et à des structures offshore », écrivent les juges dans leur ordonnance de renvoi. Et ce « de façon habituelle ». Le maire de Levallois aurait eu recours à des sociétés-écrans et des comptes dans des paradis fiscaux dès 1986. C’est ainsi qu’il a pu acquérir, sans jamais la déclarer, une résidence de choix sur l’île Saint-Martin, dans les Antilles. Officiellement, cette « villa Pamplemousse » est la propriété d’une société fiduciaire basée au Liechtenstein, dénommée Real Estate French West Indies. En garde à vue, Isabelle Balkany a finalement reconnu qu’elle et son mari en étaient les réels propriétaires. Il a été difficile de nier les évidences. L’assurance habitation ? Elle était réglée par les Balkany. Les voitures stationnées devant la villa ? Propriété des Balkany. Les enquêteurs ont même retrouvé dans la bibliothèque un livre dédicacé par Nicolas Sarkozy à « Patrick et Isabelle », selon une information révélée par Libération. Ils retrouveront aussi un peignoir avec les initiales « P. B. » avec du cash dans les poches dans un riad situé dans la palmeraie de Marrakech. Cette propriété, d’une valeur de 5,8 millions d’euros d’après Mediapart, aurait aussi été achetée en 2009 par une structure panaméenne, Haydridge, avec des fonds provenant d’une autre société immatriculée au Panama, appelée Himola, mais en utilisant des comptes bancaires basés à Singapour. Derrière ces deux sociétés écrans se trouve Jean-Pierre Aubry, bras droit du maire de Levallois et directeur de la société civile immobilière Semarelp, en partie détenue par la ville. Il servait de prête-nom aux Balkany, qui avaient bien la jouissance de cette splendide résidence. Pour percer à jour ce montage financier complexe, les juges instructeurs ont lancé de nombreuses perquisitions de par le monde. On comprend mieux pourquoi cette enquête a duré plus de cinq années. L’opacité a permis aux Balkany de vivre la grande vie jusqu’à leurs 70 ans… sans jamais payer l’impôt sur la fortune. Leur pactole serait aussi constitué, selon les magistrats, d’autres fonds planqués dans les paradis fiscaux.
L’intérêt de ce procès, outre qu’il présentera enfin les Balkany comme de vulgaires délinquants, permettra de comprendre d’où vient leur fortune. Si le couple a toujours mis en avant ses héritages familiaux, l’enquête révèle d’autres sources, autrement plus compromettantes. Le riad de Marrakech aurait été en partie financé par un homme d’affaires saoudien, Mohamed bin Issa al-Jaber, au moment où ce dernier négociait avec la ville de Levallois-Perret des droits à construire pour un projet de tours jumelles. Le procès permettra aussi de faire le lien entre le pactole des Balkany et la fameuse affaire des HLM des Hauts-de-Seine, point de départ de cette enquête.
Demain Les Mentzelopoulos, de la vente d’armes à Château Margaux.
le guide touristique de la fraude
Les îles flottantes
Bientôt une 119e île en Polynésie française ? C’est l’idée d’une poignée de libertariens de la Silicon Valley. Créer des îles artificielles, à mi-chemin entre le mégayacht de luxe et une sorte d’Atlantide sauvée des eaux. Pour l’instant, il ne s’agit que de vidéos. Mais le projet a pris du poids depuis la signature d’un protocole d’accord entre le gouvernement de Polynésie française et l’institut Seasteading. Cette entité, financée par le milliardaire Peter Thiel, cofondateur de Facebook et PayPal, a chargé une start-up basée à Singapour, Blue Frontiers, de piloter le projet. Devant l’ONU, ses promoteurs vantent la création d’un pôle de recherche sur la mer. C’est un autre discours qui est mis en avant sur le site de Blue Frontiers pour séduire les investisseurs. Cette « nouvelle terre » fonctionnerait « sous son propre cadre réglementaire spécifique ». Aucun argent public ne sera demandé aux populations locales, plaident les libertariens, évitant d’esquisser le statut fiscal qu’ils imaginent pour cette zone. L’autre apôtre du projet est Patri Friedman, petit-fils de Milton Friedman, qui rêve de sortir de tout cadre étatique : « Je veux pouvoir choisir mon gouvernement comme je choisis mon téléphone portable ou mon parfum », clame ce libertarien, ex-ingénieur chez Google.
Source : humanite.fr