Dans la nuit de mercredi, les Etats membres, le Parlement et la Commission européenne se sont accordés pour repousser la fin des importations d’huile de palme pour le diesel dans douze ans.
Les négociations ont été ardues et se sont terminées dans la nuit de mercredi à jeudi. Finalement, le dossier de l’huile de palme, qui cristallise l’attention publique depuis plusieurs semaines, s’est conclu par un recul du Parlement européen.
Les eurodéputés demandaient la fin des importations d’huile de palme pour les agrocarburants (ou biocarburants) en 2021. Mais la Commission européenne et les Etats membres ont réussi à repousser l’échéance à 2030 pour tous les agrocarburants issus de cultures agricoles (soja et colza compris). Cela veut dire que les Etats peuvent toujours inclure ces carburants à base d’huile de palme et de soja, qui participent beaucoup à la déforestation et à l’émission de gaz à effet de serre, dans leurs objectifs d’énergies vertes, et leur donner les subventions qui vont avec.
«C’est une honte que les Européens puissent continuer à brûler de l’huile de palme pendant encore douze ans, interpelle Laura Buffet de l’ONG bruxelloise Transport & Environnement. Et c’est triste que la Commission européenne ait joué un tel rôle d’obstruction dans les négociations finales.»
Les quantités de diesel à base d’huile de palme et de soja utilisées dans les pays européens ne pourront, par contre, pas s’élever au-dessus du niveau de consommation de 2019 et devront diminuer à partir de 2023 pour arriver à zéro en 2030. Les autres agrocarburants, comme le colza (pour lequel il existe de gros intérêts économiques français) sont seulement plafonnés au niveau de 2020.
Une avancée française de dernière minute
Ainsi les Etats seront soumis à une visée non contraignante de 14% d’énergies renouvelables dans les transports pour 2030. Les gouvernements seront cependant obligés de consommer au moins 7% d’agrocarburants dits avancés (issus de biomasse, d’huiles usagées par exemple), dont 3,5% de carburants à base de déchets, les moins climaticides. «Il est regrettable que le secteur des transports, qui est un enjeu fondamental pour la transition écologique, ait subi les concessions sur d’autres secteurs de la négociation, déclare l’eurodéputée EE-LV Karima Delli. La France a tenu une position en retrait pendant longtemps, avant d’avancer vers plus d’ambitions au dernier moment. Cela n’a pas été suffisant.»
Dans l’Hexagone, la pression publique était montée alors que le gouvernement a autorisé, en mai, l’ouverture de la bioraffinerie Total de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône. «Total a réussi à éviter la condamnation de son approvisionnement à court terme mais la décision de l’Europe montre bien l’absurdité de ce projet et condamne sa viabilité économique sur le long terme», assure Sylvain Angerand de l’ONG les Amis de la Terre. Une fois ouvert, le projet pourrait consommer entre 300 000 et 600 000 tonnes d’huile de palme.
Seulement, l’accord final laisse une porte ouverte aux Etats les plus vertueux. Il permet aux gouvernements de décider d’objectifs plus ambitieux, et même d’abandonner dès 2021 les importations d’huile de palme et de soja destinés aux moteurs diesel, s’ils le veulent. «Nicolas Hulot peut et doit programmer cette sortie, en saisissant l’opportunité de la stratégie nationale sur la déforestation importée, qui doit être adoptée en juillet», appelle Greenpeace France.
Des progrès pour les énergies renouvelables
Si le Parlement européen a fait des concessions sur le dossier huile de palme, il a obtenu une victoire conséquente, mercredi soir : l’UE devra rehausser ses objectifs d’énergies renouvelables à 32% pour 2030 par rapport aux 27% initialement proposés par la Commission européenne. Cette ambition est pour l’instant contraignante uniquement au niveau européen. Mais les discussions sur la gouvernance de l’Union de l’énergie, qui se tiendront le 19 juin, pourraient la rendre obligatoire pour les Etats. Une première. «Etant donné le poids de la France dans l’UE, cela voudrait dire que le pays devrait dépasser cet objectif de 32% fixé dans la loi de transition énergétique de 2015, explique Neil Makaroff du Réseau action climat France. Cela nous rapprocherait des ambitions de l’accord de Paris sur le climat, de limiter à au moins 2°C la hausse des températures mondiales d’ici la fin du siècle.»
Les trois institutions européennes se sont aussi accordées pour la première fois à soutenir officiellement le développement des énergies renouvelables citoyennes, avec une possible exemption pour les particuliers de certaines taxes auxquelles sont soumis les énergéticiens.
De son côté, la FNSEA, le syndicat français agricole majoritaire, a annoncé mercredi un arrêt du blocage de dépôts et raffineries pétroliers qui duraient depuis dimanche, s’estimant satisfaits des garanties accordées par le ministre de l’Agriculture sur certaines revendications.
Source : Libération