Dans l’attente d’un inventaire complet, la Cour des comptes évoque, dans un rapport, « la disparition » de 32 œuvres et 625 meubles au sein du palais présidentiel.
Qu’est devenue La République ? Cette œuvre du sculpteur Alexis André est aujourd’hui introuvable, à en croire les registres officiels. Elle avait pourtant été confiée à une institution pour le moins prestigieuse, l’Elysée, mais impossible de retrouver sa trace dans les couloirs du palais présidentiel après le départ de Sarkozy. Tout comme deux montres placées dans coffre-fort. Elles sont serties d’or, valent 44 000 euros chacune, et sont impliquées dans une affaire de corruption datant du quinquennat de Nicolas Sarkozy
La Cour des comptes s’inquiète, dans un rapport remis mardi 15 juillet à François Hollande, du devenir des objets d’art fournis pour agrémenter les résidences du chef de l’Etat. En 2012, rapportent les Sages de la rue Cambon, 32 œuvres déposées par les musées nationaux et 625 meubles du Mobilier national peuvent être considérés comme « non vus ». Des « disparitions », écrivent-ils.
Depuis plusieurs années déjà, l’institution alerte les pouvoirs publics sur le mauvais suivi des œuvres d’art disséminées dans les administrations publiques.
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Combien d’œuvres sont stockées à l’Elysée ?
L’Elysée, comme les ministères, assemblées, ambassades, préfectures ou autres administrations locales, recèle de trésors : des œuvres d’art ou du mobilier d’époque. « Le musée caché de la République », évoque le site latribunedelart.com pour décrire toutes ces peintures, sculptures ou meubles conservés à l’abri des regards du grand public.
Pour tenter de mettre de l’ordre dans toute cette collection, l’Etat a créé en
1996 la Commission de récolement des dépôts d’œuvres d’art (CRDOA). Son rôle est simple : faire l’inventaire en contrôlant sur place la présence des objets. Dans son dernier rapport (en PDF), publié en juin 2013, elle évoque le chiffre de 5 616 dépôts dans les résidences présidentielles, et cela pour le seul Mobilier national, sans compter les musées nationaux ou le Fonds national d’art contemporain. Personne n’était disponible à la CRDOA, sollicitée pour plus de détails, pour répondre à nos questions.
Problème, note la Cour des comptes, tout cela se fait aujourd’hui sans « base juridique » à l’Elysée. « Le président et ses collaborateurs peuvent en principe solliciter sans limite et sans conditions formalisées » des objets, écrivent les Sages. « Cette base juridique existe pour toutes les institutions, sauf pour l’Elysée, dénonce le député (apparenté PS) René Dosière, spécialiste du train de vie de la présidence, sollicité par francetv info. Il faut réglementer, on ne peut plus se comporter comme sous Louis XIV, où chacun allait se servir. »
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Qui blâmer pour ces « disparitions » ?
Le suivi des œuvres d’abord. Il a longtemps manqué de rigueur, ce qui occasionne aujourd’hui de bien mauvaises statistiques quand il s’agit de retrouver les biens éparpillés dans les administrations. A titre d’exemple, fin 2012, sur 1 128 œuvres recensées dans les ministères économique et financier, 408 étaient déclarées « non vues » par la CRDOA, soit tout de même un ratio de 36,2%. Aux ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, ce taux grimpe à 41,9%.
« Les chiffres qui circulent sont absurdes, il faut les relativiser, assure à francetv info Didier Rykner, fondateur du site latribunedelart.com. Non pas qu’il n’y ait pas de scandales, mais on s’aperçoit que beaucoup d’œuvres ont disparu pendant les guerres. » Et tous les objets absents ne sont pas des chefs-d’œuvre, poursuit-il : « Une petite cuillère égarée dans une préfecture, ce n’est pas la même chose qu’un tableau de maître volatilisé. »
Mais l’histoire n’explique pas tout. « La plupart du temps, les objets ‘non vus’
correspondent à des objets déplacés sans l’accord du Mobilier national », affirmait le ministère de la Culture en avril. « Souvent, lors d’un changement de ministre, un mobilier va changer de bureau, confirmait en 2009 le président de la CRDOA au Figaro. Peu à peu, c’est ainsi que nous perdons la trace des choses. » Parfois, les objets réapparaissent dans des endroits insoupçonnés : une sculpture dénichée dans un placard d’un ministère, deux fauteuils remisés dans le grenier d’un château ou un tableau égaré dans un bâtiment du Sénat.
Dans le cas de l’Elysée, la situation est compliquée par le manque d’inventaire complet à ce jour. Impossible donc, note la Cour des comptes, de savoir quelles disparitions « sont récentes » et lesquelles « sont plus (voire très) anciennes ». En 2011, après un précédent rapport des Sages, la présidence s’était fendue d’un communiqué à ce sujet, affirmant qu’à cette date, « aucune œuvre d’art, aucun objet, ni aucun meuble n’ont été déclarés manquants depuis le début du mandat de Nicolas Sarkozy ».
Y a-t-il aussi des vols ?
Si on est loin du pillage organisé, reste que certains locataires des palais de la République s’offrent parfois un petit souvenir en quittant leurs fonctions. L’Express narrait ainsi le stratagème d’un ancien ambassadeur de France à Copenhague (Danemark), tombé en amour pour une commode Louis XV. Plutôt que de s’en séparer une fois sa mission terminée, le diplomate a préféré commander une copie à un ébéniste pour repartir avec l’original.
Le Figaro citait également le cas d’un ministre qui, il y a quelques années, avait embarqué un tableau de maître pour décorer son domicile, avant que la peinture ne soit discrètement récupérée. Et à l’Elysée ? « Il est clair qu’il y a des gens qui emmènent des choses, estime René Dosière. Le fait qu’il n’y ait pas de protocole bien défini n’aide pas. »
Face à ce phénomène, la Cour des comptes a sa solution : déposer plainte « dès la constatation d’un ‘non vu' », comme le fait déjà la CRDOA dans certains cas. « L’expérience a montré que cette procédure, dissuasive, permet souvent le retour d’une partie significative des objets supposés disparus », notent les Sages.
Source : http://www.francetvinfo.fr