EXCLUSIF - Des anciens militants et des cadres désabusés par l’attitude de Jean-Luc Mélenchon s’apprêtent à lancer un réseau pour animer le débat hors de la formation insoumise.
Le coup de sang de Jean-Luc Mélenchon, ce mardi 16 octobre, lors de la perquisition du siège de la France insoumise, n’a fait que confirmer ce qu’ils pensent depuis plusieurs mois. « Jean-Luc est devenu un obstacle à la victoire de nos idées. Il n’y arrivera pas. Le côté pathologique du personnage est devenu trop clivant pour les Français. » Des militants de la France insoumise s’apprêtent à lancer, autour de l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, un réseau politique pour proposer une alternative au leader de la gauche. Anciens candidats aux législatives, rédacteurs de livrets thématiques lors de la présidentielle ou simples militants, ils déplorent la prise de contrôle du premier cercle mélenchoniste sur la formation politique. « Aujourd’hui toutes les décisions se prennent à trois: Jean-Luc Mélenchon, Sophia Chikirou et Manuel Bompard. Même Alexis Corbière qui s’agite sur les plateaux n’a plus tant d’influence que ça », persifle l’un.
Raidissement
Première étape, une tribune, dont le texte est en train d’être finalisé, devrait être publiée dans la presse d’ici deux semaines sous la forme d’un appel aux sympathisants de la France insoumise, selon nos informations. Les signataires souhaitent attendre la fin de la séquence ouverte par la perquisition des locaux de la LFI, pour éviter d’être assimilés au «complot anti-mélenchoniste» que dénoncent en boucle depuis quelques jours les cadres du parti. Un site internet verra également le jour que les «frondeurs» alimenteront régulièrement de leurs contributions. Le réseau, qui n’a pour l’instant pas de dénomination officielle, ambitionne également d’organiser des colloques de réflexion pour ressusciter «l’esprit de la dernière campagne présidentielle».
Les militants déçus, Liêm Hoang-Ngoc le premier, dénoncent un raidissement depuis le 23 avril 2017. «Le parti est apparu bien plus vertical qu’on ne le pensait. Il semble aujourd’hui presque entièrement tourné vers les ambitions narcissiques de Jean-Luc Mélenchon.» Ces derniers regrettent notamment la place trop importante prise par la critique du gouvernement, par rapport aux réflexions de fond. Et décrivent un parti sclérosé, à la limite de la panne intellectuelle. «Ruffin, Mélenchon… ils sont déjà tous dans le match de 2022. Pendant ce temps, le travail sur le projet collectif est laissé de côté, très peu d’idées nouvelles sont avancées. Au fond, leur seule stratégie pour les élections européennes est de jouer le référendum anti-Macron», regrette l’un d’entre eux. Autre critique, l’absence de débat avec les différents organes qui gravitent autour de la France insoumise: la revue l’Intérêt général, Ensemble, le parti de Clémentine Autain, le Parti de gauche ou la Coopérative écologique. «L’espace politique qui regroupe ces alliés a été flingué par la direction.»
L’entourage de Mélenchon relativise
L’initiative de ces frondeurs ne suscite guère plus qu’un haussement de sourcils dans l’entourage de Jean-Luc Mélenchon. «Quand je vois qu’ils prévoient de se réunir en secret par peur des représailles… Cela résume le sérieux de ces gens-là», tance la secrétaire nationale à l’écologie du Parti de gauche Martine Billard. En interne, les mélenchonistes ne manquent pas de souligner que Liêm Hoang-Ngoc s’est vu refuser une position éligible sur les listes insoumises pour les élections européennes… et que cette déception est pour beaucoup dans sa critique actuelle du mouvement. La sécession des «socialistes insoumis», qu’animait l’ancien député européen, ainsi que de quelques cadres indociles est également relativisée par le rapprochement de deux figures de l’aile gauche du PS , Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann. Ou comment des socialistes en remplacent d’autres.
Source : Challenges