Les députés ont voté la suppression de leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) avec en remplacement un nouveau système de remboursement sur justificatifs. Ce changement amène une suppression de la cotisation sociale généralisée (CSG) pour les parlementaires dans un contexte où elle devrait augmenter d’1,7 point pour l’ensemble des Français en 2018. Un député y voit là une « exonération d’impôt inexplicable ».
« Très franchement, comme beaucoup de députés, j’ai découvert ce point avec l’intervention de Marc Le Fur (jeudi à l’Assemblée nationale) ». Les mots sont du député la France Insoumise Éric Coquerel, contacté par LCI au sujet de la suppression de la CSG* sur les frais de mandat parlementaires. Dans l’ancien système, l’IRFM*, les députés touchaient une indemnité de 5.840 € bruts par mois de laquelle étaient déduits 438€ de CSG et 29,20€ de CRDS*. Soit 467,20€ mensuels d’impôt sur les frais de mandat.
Mais la mise en place prochaine du nouveau système de remboursement des frais parlementaires sur présentation de justificatifs (sur la base de factures) met fin à ces prélèvements, ce qui n’a pas été du goût du député Les Républicains Marc Le Fur qui s’en est fait l’écho jeudi dans l’Hémicycle en dénonçant un « tour de passe-passe fiscal ». Contacté par LCI, le député LR des Côtes-d’Armor s’interroge : « Vous trouvez vraiment normal qu’on applique une éxonération d’impôt dans une loi qui serait une loi de moralisation ? »
Vous trouvez normal qu’on applique une exonération d’impôt dans une loi qui serait une loi de moralisation ?
Le point soulevé par Marc Le Fur est « un écran de fumée » selon l’entourage de François de Rugy
Selon Marc le Fur, cette nouvelle suppression de la CSG et de la CRDS sur les frais de mandat parlementaires représenterait sur le quinquennat en cours un manque à gagner de plus de 16 millions d’euros pour l’Etat. « C’est inexplicable aux yeux de la population », commente-t-il auprès de LCI en faisant référence à l’augmentation prochaine, en 2018, d’1,7 point de la CSG pour l’ensemble des Français.
C’est une mauvaise interprétation de ce qu’on a voté.
« C’est une mauvais interprétation de ce qu’on a voté », répond la députée La République en Marche! Yaël Braun-Pivet qui nie une « volonté déguisée d’exonérer qui que ce soit du versement de la CSG ». Dans l’entourage du président de l’Assemblée nationale, on considère aussi que le point soulevé par Marc Le Fur est « un écran de fumée ». « C’est une histoire ahurissante, c’est l’histoire de la lune et du doigt (en référence à l’expression « quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt » NDLR) », se désole ce proche de François de Rugy auprès de LCI.
L’IRFM, pomme de discorde entre les parlementaires
En toile de fond ici un bras de fer se joue entre les parlementaires pro-IRFM et ceux qui l’ont supprimée. Seulement la majorité justifie ce changement de système pour « contrôler » les frais de mandat des parlementaires. « Avant cette enveloppe servait pour certains à un complément de rémunération, il n’y avait pas de contrôle, c’était versé sur un compte à part », explique-t-on dans l’entourage du président de l’Assemblée nationale.
L’IRFM n’était, avant sa suppression, pas soumise au contrôle du Sénat ou de l’Assemblée nationale, provoquant ces dernières années plusieurs polémiques sur l’utilisation de cet argent public. La dernière en date a d’ailleurs fait surface au mois de mai dernier, quand le député proche d’Emmanuel Macron Alain Tourret a été épinglé par Mediapart pour avoir utilisé son IRFM « à des fins personnelles ».
Avant l’IRFM servait pour certains à un complément de rémunération.
Quant au député LR Marc Le Fur, il ne semblait pas pour la suppression de l’IRFM. En 2015 il reconnaissait auprès de Ouest France avoir acheté sa permanence à Loudéac (en Bretagne) en utilisant son indemnité représentative de frais de mandat. Et d’expliquer alors : « en province la plupart des députés achètent leur permanence ». Début 2015, l’Assemblée nationale a interdit « l’imputation sur l’IRFM de toute dépense afférente à une nouvelle acquisition de biens immobiliers ».
Par ailleurs le même député a qualifié, jeudi lors des débats sur la loi pour la confiance dans la vie politique, les IRFM de « roupie de sansonnet (d’une valeur très faible NDLR) face aux primes de Danone à certaines de ses cadres », ciblant indirectement la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
« Nos IRFM, c’est de la roupie de sansonnet à côté des primes versées par #Danone à certaine de ses cadres », s’exclame @MarcLeFur #DirectAN pic.twitter.com/ybg07RYFF0
— LCP (@LCP) 3 août 2017
Que prévoit le nouveau système de remboursement sur justificatifs ?
Dorénavant les frais de mandat parlementaire vont être contrôlés plus étroitement avec le système de remboursement sur justificatifs, comme au Royaume-Uni. Trois pistes sont actuellement encore à l’étude, comme la prise en charge direct de frais par l’Assemblée nationale. « On peut imaginer par exemple que l’Assemblée nationale soit locataire des permanences », explique une personne au fait des dernières réflexions sur ce sujet.
Une autre piste consiste au remboursement des dépenses sur justificatifs, qui a donné son nom au nouveau dispositif, et le dernier point concerne l’avance de frais importants avec un double contrôle : d’une part une certification des comptes des députés et d’autre part un contrôle a posteriori par le déontologue de l’Assemblée nationale, qui ferait des vérifications des comptes par tirage au sort.
Le remboursement sur justificatifs, c’est une mesure logique mais ce n’est pas une mesure révolutionnaire.
« Ce serait bien que les 577 députés soient contrôlés au moins une fois chacun durant le quinquennat », précise un proche de François de Rugy. « Garder ses justificatifs ça me semble normal », réagit le député FI Éric Coquerel quand on lui parle du nouveau dispositif. Avant d’ajouter : « C’est une mesure logique, mais ce n’est pas une mesure révolutionnaire ».
*IRFM* L’indemnité représentative de frais de mandat est un dispositif visant à faire face aux diverses dépenses (loyer de permanence, transports en circonscription…) liées à l’exercice du mandat « qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées » par l’Assemblée nationale.
*CSG* La contribution sociale généralisée est selon l’Insee « un impôt dû par les personnes physiques domiciliées en France pour l’impôt sur le revenu » prélevé à la source la plupart du temps, avec un taux qui varie selon le type de revenu et la situation de l’intéressé. Elle sert notamment à financer une partie des dépenses de Sécurité sociale.
*CRDS* La contribution à la réduction de la dette sociale est un impôt créé en 1996 pour résorber l’endettement de la Sécurité sociale. En sont redevables les personnes physiques domiciliées en France pour l’impôt sur le revenu, avec un taux de prélèvement unique à 0,5% du revenu brut.
Source : LCI