Non, la Terre ne repose pas sur le dos d’une tortue géante

Très sérieusement théorisé, le géoterrapinism fédère des millions de personnes autour de l’idée d’une Terre plate juchée sur la carapace d’une tortue géante.

De nombreuses théories persistent sur la platitude de la Terre. Des théories datant de plusieurs centaines d’années sont encore aujourd’hui la source de vifs débats au sein des communautés de platistes. L’une des plus répandues est celle selon laquelle notre planète serait juchée sur le dos d’une tortue géante.

 

À LA DÉCOUVERTE DU GÉOTERRAPINISM

Si vous n’avez jamais entendu le mot géoterrapinism, c’est parce qu’il s’agit d’un néologisme, au demeurant assez répandu dans la communauté platiste. Le géoterrapinism désigne la théorie selon laquelle la terre serait un disque porté sur le dos d’une tortue géante qui nous transporterait à travers l’immensité du cosmos. Le géoterrapinism fait principalement référence à la théorie développée au 17e siècle par l’explorateur Jasper Danckaerts. D’origine hollandaise, Danckaerts a traversé l’Amérique du Nord à la recherche d’un endroit où établir une nouvelle colonie. C’est à l’occasion de ce périple que Danckaerts fait la rencontre des communautés amérindiennes. Les indiens d’Amérique font partie des principales cultures à avoir développé l’idée d’une tortue géante portant notre monde avec lenteur et discrétion, en somme avec sagesse.

Cette théorie est également populaire en Chine et en Inde. Le point commun qui rassemble ces trois communautés est l’importance accordée à la cosmogonie, soit la conception que nous avons de la formation de l’univers, dans leurs croyances. Elle représente l’un des éléments fondateurs de pratiquement toutes les religions du monde. La force de ces croyances les ont rendues pérennes. Elles rassemblent aujourd’hui encore des millions de personnes à travers le monde.

Quatre éléphants, une tortue et un serpent – Hindous (Inde) photographie de Guillaume Duprat

Cependant, la cosmogonie de ces différentes cultures présente quelques variantes. Si les Amérindiens conçoivent la Terre sur le dos d’une tortue, certaines cultures représentent sur le dos de cette tortue quatre éléphants symbolisant les piliers de la Terre. En Inde, la tortue et les quatre éléphants seraient portés par un serpent géant suspendu dans l’Univers qui se mordrait la queue, métaphore de la course infinie du Soleil.

 

TERRY PRATCHETT, LA FORCE D’UNE INFLUENCE

La théorie d’une Terre plate a également largement été rendue populaire à travers l’œuvre de l’écrivain britannique Terry Pratchett. Souvent défini comme héritier de J.R.R. Tolkien ou associé à J.K. Rowling pour la richesse de son œuvre fantastique, Pratchett crée les « Annales du Disque-Monde » (« Discworld ») entre 1983 et 2013. Publiée en 41 volumes, cette série de romans dépeint un monde imaginaire où la Terre est plate et circulaire, complétée à chaque bord par une grande chute d’eau. Ce disque repose sur le dos de quatre éléphants sacrés : Bérilia, Tubul, Ti-Phon l’Immense et Jérakine. Il y aurait eu, à l’origine, un cinquième éléphant. Ce dernier serait tombé et, en chutant, a morcelé les terres et créé les continents.

Le disque monde de Terry Pratchett photographie de Terry Pratchett

Ces quatre éléphants sacrés sont juchés sur la carapace de la Grande A’Tuin, une tortue gigantesque évoluant à travers l’Univers. D’après le récit, une petite Lune et un petit Soleil orbitent autour de notre monde.

Les annales du Disque-Monde ont connu un succès retentissant auprès d’une communauté de plus de 80 millions de lecteurs dans plus de 37 langues différentes. Cette popularité a offert une influence internationale à Terry Pratchett sur le plan littéraire, et de façon bien plus inattendue, sur le plan cosmogonique. Recoupée avec une multitude de croyances religieuses à travers le monde, cette conception de notre planète a finalement fédéré une large communauté. La théorie du « géoterrapinism » fait à présent partie des théories des « flat earther » les répandues.

LA PREUVE PAR L’IMAGE

L’idée d’une Terre plate est profondément ancrée dans les croyances d’une partie des citoyens de notre planète bleue. L’imaginaire collectif et les textes religieux contribuent à son expansion. Mais cette théorie reste scientifiquement impossible à envisager. L’exploration spatiale n’a eu de cesse de le prouver depuis le lancement du premier satellite artificiel soviétique, Spoutnik 1, en 1957.

De nombreuses sondes et satellites ont été mis en orbite, nous rapportant des images d’une Terre ronde, en rotation sur elle-même. Actuellement, près de 1 500 satellites gravitent autour de nous, avec des distances orbitales plus ou moins éloignées : 780 sont sur orbites basses (quelques centaines de kilomètres comme la Station spatiale internationale) ; 96 sont en orbite moyenne (environ 20 000 km de la surface terrestre) ; 506 sur une orbite géostationnaire (à 36 000 km). La diversité de ces satellites et de leurs distances nous offrent une variété de points de vue externes de notre planète nous permettant d’observer sa forme sphérique.

À l’appui de ces preuves scientifiques, s’ajoutent les témoignages des astronautes ayant eu la chance d’observer la Terre depuis l’espace. De Youri Gagarine, premier homme à être allé dans l’espace, à Buzz Aldrin, en passant par Terry Virts, un retour d’expérience reste le même : la Terre est bel et bien ronde.

Mer méditérannée photographie de Scott Kelly, NASA

« J’en ai fait le tour 4000 fois, je peux vous le dire : elle est ronde » s’exclame Scott Kelly. Astronaute pour la NASA, il a passé 520 jours dans l’espace. Il est même l’Homme qui y a passé le plus de temps en continu (340 jours). « Si la Terre était plate, le bord serait une destination touristique formidable ! On irait, on regarderait l’espace du bord… moi j’aurais une résidence secondaire là-bas, j’y habiterais ! »

Il n’est pas ici question de dénaturer ou de décrédibiliser aucune religion ou culture que ce soit. Pas plus que de critiquer l’œuvre d’un grand écrivain. Il est ici question de faits et d’observations scientifiques. Si l’imaginaire collectif et la littérature sont deux éléments indispensables à la libre circulation des idées, ils ne valent pas pour autant comme arguments scientifiques tangibles pour établir l’origine et la forme de notre planète.

Source :nationalgeographic.fr