Ils vont rester au sein de la Sécu. Mais l’excédent aurait pu être bien plus important si l’Etat ne s’était pas servi avant.
Question posée le 25/09/2020
Bonjour,
Nous avons raccourci votre question, qui était: «Il est annoncé que la Sécu sera excédentaire de 700 millions. Que fera-t-on de cet excédent ? Va-t-on le redistribuer aux cotisants ou baisser le taux de cotisation?»
Pour la première fois depuis 18 ans, la Sécurité sociale (Maladie, vieillesse, famille…), sera dans le vert l’année prochaine. Un petit excédent de 700 millions, sur un budget de plus de 400 milliards d’euros.
Où vont atterrir ces 700 millions? Ils vont rester dans les caisses de la Sécu et abonder sa trésorerie. Car même si sur ses 28 milliards de dette, quelque 15 milliards vont être transférés à la Cades (caisse d’amortissement de la dette sociale, qui en gère déjà 105 milliards), il en restera encore 13 milliards en son sein. Plus précisément au sein de l’Acoss, la banque de la Sécu.
Reste que ce (petit) excédent aurait pu être quatre fois plus élevé. En effet, quelque 2 milliards d’exonérations de cotisations sociales décidées par le gouvernement pour 2019 ne seront pas compensées l’année prochaine à la Sécu, comme elle le fait d’habitude pour la quasi-totalité des exonérations de cotisations, qui s’élèvent désormais à plus de 40 milliards par an.
Parmi ces deux milliards pour lesquels la Sécu en sera de sa poche, il y a 600 millions de suppression de cotisations salariales sur les heures sup’, mesure qui entre en vigueur en septembre 2019, 600 millions de suppression du forfait social dans les PME (qui taxe l’intéressement et la participation), ou encore 350 millions d’exonérations de CSG des retraités qui sont à la limite du seuil de la CSG à taux plein, mesure annoncée tout récemment.
On peut donc considérer, même s’il arrive régulièrement que l’Etat ne compense pas la totalité des exonérations de cotisations, que l’excédent de la Sécu était de 2,7 milliards, et que l’exécutif en a «piqué» 2 milliards pour financer sa politique.
Le gouvernement vient d’ailleurs de théoriser, dans sa présentation du PLFSS 2019, le fait que l’Etat ne compensera plus quasi systématiquement les exos de cotisations. Dans son dossier de presse, il prévient ainsi que, certes, «l’Etat continuera d’assurer une compensation stricte […] des exonérations ciblées de cotisations sociales». Mais désormais, «les autres baisses de prélèvements obligatoires seront, pour celles créées à compter de 2019, supportées par la sphère à laquelle le prélèvement est affecté». Comprendre: la sécu en sera maintenant pour sa pomme. Et de donner justement l’exemple précité des exos de cotisations sur les heures sup’.
Une annonce qui fait hurler les syndicats. Dans un communiqué publié mardi, la CFDT explique qu’elle «refuse cette confusion qui remet en cause les principes d’autonomie et d’un financement exclusif et affecté de la Sécurité sociale». Et de considérer que «si excédents il y a, ils auront été obtenus principalement par la désindexation de la revalorisation des pensions et par une pression accrue sur les conditions de travail dans les hôpitaux publics ou les Ehpad, les conduisant au bord du gouffre».
Cette décision du gouvernement suit d’ailleurs une logique désormais inscrite noir sur blanc dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, qui veut qu’à l’avenir, tout excédent de la sphère sociale supérieur à 0,8 point de PIB (un peu plus de 20 milliards d’euros), soit automatiquement transféré à l’Etat pour renflouer son déficit. La Sécu en excédent, oui, mais au bénéfice de l’Etat.
Source : Libération