L’ancien chef de l’État et l’actuel président de LR se sont retrouvés mardi sur une étape du Tour, lors d’un déjeuner riche d’arrière-pensées.
« Peu importe nos noms, que nul ne saura jamais. Ici, nous nous appelions la France. » Aux Glières, haut lieu de la Résistance française, les mots d’André Malraux résonnent encore dans l’air pur de ce haut plateau montagnard. Laurent Wauquiez et Nicolas Sarkozy, dont on ne sait jamais très bien le degré de complicité, les ont-ils murmurés le mardi 17 juillet, lors de leur déjeuner en marge de la dixième étape du Tour de France ?
À en croire les convives, l’ancien président de la République a été plus bavard que l’actuel président des Républicains. La palme du moment le plus politique du repas revient sans doute à la démonstration européenne de Nicolas Sarkozy : il faut renforcer le couple franco-allemand, acter l’idée des cercles concentriques, car il existe bel et bien un noyau dur continental ; l’Europe de la Défense est une illusion. Ponctuant son développement stratégique, l’ancien président conclut : « Tu vois, Laurent, je te dis tout : je te donne le programme pour les élections européennes de 2019, tu n’as plus qu’à conduire la liste. » Ne pas y voir un cadeau : l’ex-chef de l’État sait très bien que son successeur à la tête de LR n’a aucune envie de concourir dans ce scrutin piégé.
Une fondue au menu
Au-delà de ces réflexions douces-amères, l’ambiance du repas était bonne. Les deux hommes se sont retrouvés au restaurant La Teille, à Saint-Jean-de-Sixt, pour manger un plat tout à fait de saison : une fondue savoyarde. Ils ont bien évidemment parlé de vélo : c’est en se rendant compte, en juin lors d’une discussion rue de Miromesnil, que tous deux se trouveraient sur une étape du Tour de France le 17 juillet que les deux hommes sont convenus de ce déjeuner. Avec eux, autour de la table, les ont accompagnés les sénateurs Jean-Claude Carle et Cyril Pellevat, la députée Virginie Duby-Muller et l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer.
Ces derniers mois, plusieurs épisodes ont empoisonné la relation entre Nicolas Sarkozy et Laurent Wauquiez. Après que Wauquiez a réclamé la démission de Gérald Darmanin à la suite de l’ouverture d’une enquête pour agressions sexuelles – finalement classée sans suite –, Sarkozy a dîné avec le ministre de l’Action et des comptes publics. Lorsque Virginie Calmels a été limogée, en juin, de son poste de vice-présidente des Républicains, Nicolas Sarkozy a appelé au « rassemblement » lors d’un déplacement à Port Leucate. Mais, bien plus que tout cela, c’est l’épisode de l’EM Lyon qui aura le plus glacé l’ancien président de la République. Devant les étudiants, Laurent Wauquiez accusait Nicolas Sarkozy d’espionner ses ministres du temps où lui-même faisait partie du gouvernement. Dès la révélation de l’enregistrement par l’émission Quotidien, Wauquiez avait téléphoné à Sarkozy. Pour s’excuser et recevoir une grosse soufflante. « J’ai le sentiment que cela a été réparé », assure un proche de Wauquiez. « Les relations demeurent tendues », tempère un membre de la direction du parti.
Nicolas Sarkozy ne rechigne pas à s’afficher au côté du président des Républicains. Les deux hommes partagent certaines analyses politiques : lors du déjeuner haut-savoyard de mardi, l’ancien locataire de l’Élysée est revenu sur la campagne présidentielle de François Fillon. Comme Wauquiez, Sarkozy pense que « le programme était trop dur ». Les oreilles de Patrick Stefanini, Bruno Retailleau, et surtout celles de François Fillon ont sifflé. Celles de Vladimir Poutine, un peu moins : Sarkozy revenait de la finale de la Coupe du monde, où il a pu s’entretenir avec le président russe. Il l’a félicité pour l’organisation de l’événement et l’absence de troubles à l’ordre public, contrairement, a-t-il dit, à ce qui a pu se passer en France. Ministre de l’Intérieur un jour…
Source : Le Point