Militant Insoumis tout-terrain, c’est à Taha Bouhafs que l’on doit les images d’Alexandre Benalla place de la Contrescarpe, le 1er-mai.
Taha Bouhafs nous donne rendez-vous dans un café du 5e arrondissement parisien. A l’endroit même où il était installé, ce mardi 1er mai, avant de rejoindre la place de la Contrescarpe. C’est lui qui a filmé avec son smartphone Alexandre Benalla, collaborateur élyséen, interpellant violemment un individu. Taha Bouhafs n’était pas là par hasard. Revenant de la manifestation du 1er-Mai, invité par un comité d’action interlycées pour un apéritif, militant de la France insoumise, le jeune homme de 21 ans s’engage pour toutes les causes qu’il croit justes. Quand il a diffusé sa vidéo, il croyait dénoncer des violences policières, une de ses luttes de prédilection.
Membre du collectif Justice pour Adama – du nom du jeune de Beaumont-sur-Oise mort en 2016 pendant une interpellation par la gendarmerie –, il manifeste aussi contre la loi sur l’accès à l’université, notamment à Tolbiac. Il a déjà mené son premier combat électoral, lors des dernières législatives en 2017, comme candidat Insoumis dans la deuxième circonscription de l’Isère. A seulement 19 ans.
Deux faux pas à Tolbiac
Militer, Taha Bouhafs ne fait que ça. Il finance son engagement par des petits boulots alimentaires, qu’il enchaîne depuis qu’il a arrêté l’école à 16 ans. « J’ai eu des périodes difficiles, avec l’impression d’être un citoyen de second zone », confesse le jeune homme venu du quartier sensible du Limousin, à Echirolles, dans la banlieue grenobloise.
« Il a la rage, une sorte de boule au ventre en permanence, analyse David Guiraud, porte-parole des Jeunes Insoumis. Dévoué corps et âme à ses combats, il est capable de se consumer lui-même. » De quitter l’Isère, ses parents, ses sœurs et son année universitaire au premier semestre 2018 pour s’investir à Paris dans le mouvement étudiant ; de ne pas dormir pendant 48 heures à cette époque ; de participer à toutes les réunions… Trop vite, trop fort, trop jeune? Taha Bouhafs commet deux faux pas. Epuisé, en colère, il est filmé après l’évacuation de Tolbiac en train d’insulter des policiers qui, eux, restent calmes. Il fait aussi partie de ceux qui relaient la rumeur d’un étudiant gravement blessé par les forces de l’ordre. Deux « erreurs » qu’il reconnaît aujourd’hui, et qui lui ont valu l’attention des réseaux sociaux : insultes, menaces puis messages de soutien des Insoumis s’étaient alors multipliés.
Il garde sa liberté de conscience vis à vis de Mélenchon
Depuis une semaine, c’est la presse qui s’intéresse au cas Bouhafs. Le jeune militant est devenu un témoin clé. « Je l’ai trouvé sérieux et responsable, estime Eric Coquerel, député La France insoumise (LFI). C’est en ça que Tolbiac lui a servi : aujourd’hui, il en reste aux faits. » Malin, débrouillard, « d’une grande intelligence sociale », selon son ex-directeur de campagne, Taha Bouhafs apprend vite. De LFI, il a déjà intégré une certaine méfiance à l’égard des médias : il refuse de voir apparaître dans la presse le quartier où il vit, l’emploi qu’il a dégoté à Paris ou le détail sur les études qu’il a voulu reprendre en septembre. Mais il entend bien garder sa liberté de conscience vis-à-vis du mouvement de Jean-Luc Mélenchon : « Je n’ai pas de mentor en politique. Ou si : mon grand-père, condamné à mort en Algérie mais sorti de prison en 1962. C’était un révolutionnaire! »
Comment Taha Bouhafs envisage-t-il la suite de sa politisation rapide? Les Insoumis qui le connaissent l’imaginent journaliste d’investigation. « Ce qui l’anime, c’est de pouvoir témoigner. Ce n’est pas étonnant qu’il ait filmé, ce jour-là, place de la Contrescarpe », souligne Coquerel. L’engagé y pense. Avec une certitude : « Je reste un militant politique. »
Source : lejdd.fr