Si vous avez du mal à supporter la chaleur, vous risquez de tourner de l’œil en regardant les prévisions pour l’été 2096.
«Et tout de suite, le point météo de ce 25 août 2096. Une vague de fraîcheur aujourd’hui sur la France avec une température de seulement 36 degrés à Paris. Les Parisiens vont enfin pouvoir profiter des nombreuses terrasses végétales qui parsèment la capitale. La maximale de la journée se trouve du côté d’Aix-en-Provence, où il ne fera que 38 degrés. Il fera 37 degrés à Nevers et à Toulouse, 36 degrés à Bordeaux et à Brive-la-Gaillarde. Les vacanciers bretons seront les moins chanceux de cette journée avec 31 petits degrés à Brest. Toujours un peu limite pour se baigner.»
Voilà à quoi pourrait ressembler un bulletin météo à la fin du siècle si l’on en croit le scénario RCP8.5 (scénario sans politique climatique) qui se base sur les estimations tirées du calcul de la moyenne des extrêmes chauds de la température maximale quotidienne sur les mois d’août de la période 2071-2100.
Ce scénario, ces cartes interactives et les informations associées ont été rendus publics par le DRIAS, projet ayant pour but de «contribuer à l’adaptation du pays au changement climatique en fournissant l’accès aux scénarios régionalisés français», sous la houlette de la Direction de la Climatologie de Météo-France et des différents laboratoires de recherche sur le climat.
Des estimations qu’il est néanmoins primordial de relativiser dans la mesure où il s’agit du plus pessimiste des scénarios proposés par le GIEC, qui suppose qu’aucune action n’aurait été menée par les gouvernements pour pallier au réchauffement climatique. Si l’on prend en compte le scénario le plus positif, le scénario RCP2.6 –qui prévoit que le gouvernement cherche à faire baisser les concentrations en C02– la moyenne des mois d’août sur la période 2070-2100 tombe à 31 degrés à Paris, 26 degrés à Brest et 34 degrés à Aix-en-Provence pour la configuration des températures maximales.
En comparaison, sur la période 1976-2005, l’extrême chaud de la température maximale quotidienne sur la moyenne des mois d’août a été de 29 degrés à Paris, à 32 degrés à Aix et à 23 degrés à Brest.
Selon le rapport Jouzel 2014, intitulé «Le climat de la France au XXIe siècle» et focalisé sur les évolutions régionales, nous devrions connaître une hausse des températures moyennes de 0,6 et 1,3 degrés sur la période 2021-2050, toutes saisons confondues. Le Sud-Est de la France en été devrait être le plus touché avec une augmentation de 5 à 10 jours des vagues de chaleur.
La décennie 2050, une période charnière pour le climat
Pour Benjamin Pohl, du Centre de recherche de climatologie, cette évolution du climat «se fait par à-coups et non de manière graduelle, à la façon d’une marche d’escalier», ce qui la rend «d’autant plus dure à vivre». Comme l’a étudié son laboratoire sur le territoire de la Bourgogne, une de ces marches a par exemple été franchie sur l’année 1987-1988 où 90% des stations de France métropolitaine ont constaté une hausse générale de un degré. Cette hausse peut être expliquée conjointement par une régulation naturelle du climat, mais aussi par l’activité humaine (notamment l’arrêt de l’utilisation les aérosols, dits «carbone suie», résultant de la combustion du charbon.
Crédit: Centre de recherche de climatologie
Sommes-nous en train de passer un de ces paliers et la canicule actuelle est-elle à imputer à l’activité humaine?
«Cette année, l’hiver et le printemps ont été particulièrement chauds notamment après le phénomène océanique El Niño. De plus, nous vivons actuellement une forte vague de chaleur, explique Benjamin Pohl. Mais il est encore trop tôt, bien évidemment, pour déterminer si nous franchissons un nouveau palier.
Le milieu du siècle sera par contre une période charnière pour déterminer l’impact de l’activité humaine sur le climat par rapport à la variabilité naturelle.»
Crédit: @ed_hawkins – Reading University
Mais nul besoin d’attendre 2050 pour agir pour la planète. Le réchauffement climatique est à l’œuvre depuis plus d’un siècle, comme l’indique l’infographie ci-dessus réalisée par Ed Hawkings, climatologue à l’Université de Reading. Benjamin Pohl rappelle qu’il est impératif de changer notre consommation de CO2 dès maintenant. «Lorsque vous prenez votre voiture, le CO2 que vous rejetez restera dans l’atmosphère pendant cent ans, rappelle t-il. Les périodes de chaleur comme nous vivons actuellement peuvent nous servir à prendre conscience des désagréments causés par le réchauffement. Mais la météo a la mémoire courte, et c’est sur le climat au long court qu’il nous faut nous concentrer».
Source : slate.fr